PRINCIPE JURIDIQUE ou Pourquoi la loi que nul n’est censé ignorer n’est-elle enseignée qu’à une élite?

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Ma chère Myriam,

Je souhaiterais te faire part d’une question qui me turlupine l’occiput depuis moult déjà.

Avant de solliciter tes lumières, qui risquent fort, je le crains, d’auréoler ma turpitude, je me suis un peu renseigné. (pas beaucoup mais un peu) Afin que les éventuels éléments de réflexion qui pourraient éclore dessous mes pariétaux puissent s’agripper à quelque chose, il m’a semblé nécessaire de définir l’adage à l’origine de ma surchauffe encéphalique, «Nul n’est censé ignorer la loi»

Adage qui loin d’être un fantasme populaire est apparemment constitutif de l’application du droit! (Nemo censetur ignorare legem = personne ne peut invoquer l’ignorance qu’il a de la loi pour échapper à son application)

Traduit dans l’article 1er alinéa 3 du code civil dans sa rédaction de 1804 (« La promulgation faite par le Premier Consul sera réputée connue dans le département »…) représente, selon Maître Gros, Avocat au barreau de Chambéry (oui, je l’ai un peu choisi pour son nom…) « (…) une fiction juridique majeure pour l’équilibre social, soit un principe dont on sait la réalisation impossible, mais nécessaire au fonctionnement de l’ordre juridique.»

Grosso merdo, on sait très bien que c’est pas vrai, mais comme ça nous arrange bien, on dirait que c’était vrai quand même. Et de plus, on va tout miser là-dessus pour établir les règles de notre société!

C’est un peu comme si on considérait soudain que tout les êtres humains étaient nyctalopes afin de réaliser des économies d’énergie. Ou encore, c’est comme si j’avais pas une tune, mais comme c’est nécessaire à mon bon fonctionnement, on disait que j’étais blindé.

Forcément, en basant la pensée juridique sur ce genre de principes, on comprend mieux l’impudence des états à proclamer des trucs du genre:

«Bon, on sait bien qu’il n’y a pas d’armes de destruction massive en Irak, mais vu qu’on a besoin de la guerre pour le bon fonctionnement de notre industrie, on dira qu’il y en avait quand même.»

ou alors,

«Ecologiquement, on sait tous qu’on va droit dans le mur, mais vu que c’est nécessaire au bon fonctionnement de notre sacre sainte économie, on dira qu’on allait pas tous crever.»

Bref, un principe juridique, ma chère Myriam, si j’ai bien pigé, c’est un truc que tout le monde sait irréel, mais que tout le monde considère comme acquis et sur lequel on fait tout reposer. En gros le droit comme il est conçu dans nos sociétés dominantes, ne serait ni plus ni moins qu’un gros tas de caillasses qui flotterait sur un océan d’eau douce, parce-que le principe d’Archimède c’est pour les tapettes…

Bon, tu me connais, je suis plutôt ouvert comme type, alors même si c’est un peu capilo-tracté, pourquoi pas, admettons.

Mais, vu le poids de l’entreprise, serait-ce vraiment trop demander que ces improbables fondations soient consolidées d’un soupçon de vraisemblance? C’est vrai quoi, même le père Noël avec ses lutins, son traîneau volant et son renne qui fait de la lumière avec son tarin est plus crédible que le principe foireux de «nul n’est censé ignorer la loi» (sur lequel est basé le droit positif!)

  1. Le père Noël, on ne demande qu’aux enfants d’y croire
  2. Tu risques pas d’aller en tôle parce-que t’as cramé la dinde.
  3. La majorité de mes contemporains en savent plus sur ce gros bonhomme rouge que sur les lois auxquelles ils sont soumis. (ce dernier point n’étant certes, qu’une appréciation toute personnelle…)

Donc ma chère Myriam, pour filer la métaphore, ne pourrions-nous pas, par exemple, diluer ne serait-ce qu’une pincée de sel dans l’océan d’eau douce qui est censé assurer la flottaison de notre édifice? Pour que, avec beaucoup d’imagination, dans un monde merveilleux avec des dragons, des fées, et toute la smala, cette histoire de cailloux qui flottent semble,… envisageable?

Parce-que ok, aucun homme ne pourra jamais avoir connaissance de l’ensemble des règles de droit, pourquoi ne pas essayer que la majorité des bonshommes qui forment notre si brillante civilisation, en détiennent au moins quelques clefs?

En tant qu’étudiante et déjà plus que tu ne le crois vendue à la cause, peut-être tu me répondras:

«C’est possible mon chère Guillaume, mais pour cela, il faudrait utiliser l’arme maléfique! Et ça, tous s’y opposeront. Pour réaliser ce rêve idyllique, d’un monde où les bestioles qui le peuplent sauraient à peu près à quelle sauce elles seront mangées, il n’y a d’autre choix que de dégainer la papesse des épées, mère de l’insoumission et des remises en question les plus profondes, l’arme de destruction massive de l’ordre établi. Car cette «pincée de sel» dont tu parles innocemment, s’appelle en réalité «l’éducation». Et je ne pense pas que tu puisses réaliser les enjeux et les conséquences de l’utilisation d’une telle arme. Son pouvoir est bien plus immense que tu ne peux le concevoir. Une magie si puissante, ne peut et ne doit pas, tomber dans les mains de la plèbe. (Déjà que l’érudition à la lecture et à l’écriture, a causé ces dernière décennies, bien du tracas en haut lieu. Par chance, avec la démocratisation de la technologie, ce problème semble en voie d’être maîtrisé) Pourquoi tout remettre en cause, alors que cela fonctionne si bien ainsi? De plus, si tu y réfléchis, sincèrement,  es-tu sûre de vouloir savoir à quelle sauce tu vas être mangée?»

Mais je fabule et ce n’est pas très cool de ma part de te prêter la facétie des notables, sous prétexte que tu aies appris leur langage. Ainsi je finirai sur cette cuisante interrogation:

« Pourquoi la loi que nul n’est censé ignorer n’est-elle enseignée qu’à une élite? »

*Bisous!*

l’gui

Mon unique référence car je suis fumiste et l’assume:

http://www.grosetgros-avocats.fr/spip.php?article19

Une réflexion sur « PRINCIPE JURIDIQUE ou Pourquoi la loi que nul n’est censé ignorer n’est-elle enseignée qu’à une élite? »

  1. Comme j’ai l’impression que vous aimez bien les expressions latines, je dirais qu’il y a quand même une règle CLE qui leur est toujours enseignée Legem patere quam fecisti ( Respecte la loi que tu as faite)…ca leur fait donc un double argument de condamnation pour eux !! M’zlle Marianne la Rép’

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