De Mimi
Le mardi, mon trajet jusqu’au métro Noailles est un peu spécial. Tous les mardis, quelle que soit la météo, quelle que soit mon humeur. Le mardi matin, à 8h36 environ, rue des Récolettes, que je prends pour éviter les travaux du Cours Saint-Louis, je croise un petit camion. Ce petit camion est plus ou moins découvert à l’arrière. Sur ses flancs battent des bâches ouvertes, vieilles et sales. Ce petit camion fait beaucoup de bruit. Mais pas un bruit de moteur poussif. Un bruit d’animaux vivants qui hurlent. Ce petit, vieux et sale camion transporte des poulets vivants, entassés dans la remorque. Et les poulets hurlent. En fait, les poulets ne font pas qu’hurler, ils puent. Aussi. Et l’odeur de la fiente des poulets, aigre, pleine, amère comme leurs cris, me retourne le cœur et les tripes. Alors maintenant, le mardi, je pars cinq minutes plus tard de chez moi, pour arriver cinq minutes après le passage du petit camion et de sa cargaison. Cinq minutes après le bruit et l’odeur. Alors quand je passe rue des Récolettes, ne restent sur l’asphalte que quelques plumes, et la vibration du souvenir.